La création artistique est une énigme inépuisable. Elle vise autre chose que la production pure et le rendement. Créer, c’est s’exposer, c’est se tenir à l’écoute de la matière, c’est une patiente recherche qui tend à lâcher et exprimer une partie de soi-même. Il ne s’agit pas de faire quelque chose de beau ou de trop réel, mais de faire une œuvre qui parle, qui dévoile, qui interpelle, qui dérange, qui surprend, qui étonne. 

Depuis la plus tendre enfance, je suis fascinée, attirée et inspirée par les éléments de la nature : les formes, les couleurs, les odeurs, les bruits,…  J’adore « vivre » dehors, sentir et observer la vie qui s’y déroule.  J’exprime cette fascination de la nature en réalisant des arbres, notre planète, des animaux,...

J’aime beaucoup observer les êtres humains. J’imagine ce qu’ils sont derrière leur façade (le corps, le visage, le regard, la peau, les vêtements, … tout ce qui dévoile ou cache). J’imagine aussi ce que chacun vit derrière les fenêtres des appartements ou des maisons. Ce n’est pas de la curiosité malsaine, mais juste un intérêt profond et sincère pour le genre humain et la vie en société.

Par la sculpture, j’essaie de communiquer l’émotion que les êtres m’inspirent : une femme enceinte donnant la main à son enfant, un enfant blotti  sur l’épaule de son père, des lutteurs, un homme cherchant le salut d’En-Haut, un couple de gros personnages bien ancrés au sol, … De plus en plus, j’ai envie de raconter une histoire à travers mes pièces à partir d’éléments concrets tels que notre planète, une cage, un œuf ou même un légume. Poésie, philosophie, psychologie se cachent derrière ces histoires qui forment un chemin personnel intéressant et constructif. A travers la sculpture, je cherche à exprimer un regard intime sur l’humanité, le monde animal et la terre, en quête d’un subtil équilibre entre la force et la vulnérabilité qui les animent.

Ce sont les circonstances de la vie qui m’ont amenée à découvrir différents artistes - peintres ou sculpteurs -  et différentes façons d’aborder la sculpture. En déménageant souvent, j’ai pu m’intéresser à plusieurs cultures et diverses façons de travailler. Dans chaque atelier, j’ai reçu un nouveau bagage, des conseils d’artistes expérimentés qui me stimulent à continuer à découvrir, à chercher de nouvelles façons de travailler la matière. Je garde en moi à jamais les conseils précieux que chacun m’a donnés.

Inspirée depuis de nombreuses années par Alberto Giacometti, dont je ne me lasse pas de regarder «l’homme qui marche» et «l’homme qui chavire»,  puis plus récemment par Constantin Brancusi, je tends vers les formes plus simples, attirée par des valeurs plus essentielles.  Il n’y a rien de plus difficile que de faire des formes simples (un œuf, une sphère) car elles sont parfaites, le moindre « défaut » attire l’attention. C’est sans doute là la subtilité qui est intéressante…  Je cherche une manière implicite d’attirer la curiosité du spectateur, de susciter chez lui l’envie de chercher plus loin.

J’utilise de nombreuses matières  dans mes sculptures que je choisis pour accentuer encore l’expression que je cherche. Parfois je combine des matières chaudes et froides.

Lorsque je sculpte, je suis déconnectée de la réalité matérielle, perdant la notion de temps ou de contraintes, vivant juste de la création et de la passion. A chaque fois, je suis surprise de voir apparaître quelque chose qui sort du néant, émergeant du travail de mes mains. Je vis chaque fois l’expérience d’une naissance. Comme disait Michel-Ange : « J’ai vu un ange dans le marbre et j’ai seulement ciselé jusqu’à l’en libérer ».

La sculpture me procure une plaisir énorme. Chacune de mes sculptures est une partie de moi. Chacune d’elles a trouvé son inspiration dans mon histoire, ma sensibilité, mes valeurs. J’espère que l’une d’elles au moins éveillera votre sensibilité et votre émotion. Ce serait alors pour moi le plus beau des cadeaux…

Valérie Legrand